Jacques Fournier
En complément de mon premier commentaire, et en essayant de les situer par rapport au dossier que nous avons établi sur la question, voici quelques observations sur le traitement du sujet « dépense publique » dans les annonces faites par le Président
1 – La distinction fondamentale entre ce qui relève de la production du service public et des transferts de ressources n’apparait pas davantage que dans les précédentes déclarations présidentielles.
La nécessité de réduire la dépense publique prise dans sa globalité est réaffirmée à plusieurs reprises, mais le discours est moins catastrophique que par le passé et l’impératif parait moins catégorique. On ne reprend pas l’antienne de la France « championne du monde » en ce domaine.
2 – Pour ce qui est de la production du service public un effort est annoncé dans le domaine de l’éducation : réduction des effectifs de classe, qui rend nécessaire un renforcement de l’encadrement, et revalorisation de la condition enseignante, dont il est dit à juste titre qu’elle est moins bien reconnue en France qu’à l’étranger. Si l’on voulait traiter efficacement ce dernier point, l’addition pourrait se révéler importante.
Le président, pour la première fois, laisse entendre qu’il pourrait reconsidérer l’objectif annoncé de réduction à hauteur de 120.000 de l’effectif des agents publics. On voit mal comment il aurait pu en être autrement, la baisse n’ayant été que de 5000 unités pour les deux premières années. Qu’il me soit permis de rappeler ici que François Fillon avait pour sa part programmé une baisse de 500.000 : bel exemple de l’inconséquence et de la démagogie dont la droite fait constamment preuve à ce sujet.
Où pourront se situer les économies ? Bon courage au Premier Ministre à qui il est demandé de tailler dans les structures administratives inutiles.
La création de maisons des services publics au niveau des cantons est une idée intéressante. Elle n’est pas nécessairement coûteuse mais, non plus que l’engagement pris de freiner les fermetures d’écoles ou d’établissements sanitaires en zone rurale, ce n’est pas non plus une source d’économies.
3 – En matière de transferts de ressources des inflexions notables sont annoncées dans trois directions :
- En direction des personnes âgées : c’est le rétablissement de l’indexation sur l’inflation pour les petites retraites en 2020 et pour l’ensemble en 2021. Cette mesure est juste mais c’est abusivement qu’elle est présentée comme une action nouvelle. L’indexation était de règle : le gouvernement y a momentanément renoncé pour faire des économies sur le dos des retraités : ce choix était éminemment discutable, y mettre fin relève de la simple justice. Pour une fois la communication gouvernementale, en faisant apparaitre comme une mesure nouvelle le retour à la situation ex ante, aura bien fonctionné.
- En direction de la « classe moyenne » : c’est la réduction annoncée , pour un montant non négligeable, 5 milliards d’’Euros, de l’impôt sur le revenu. Le président cible ici la partie de l’électorat dont il souhaite conserver les préférences. Ce faisant il laisse totalement à l’écart les couches les moins fortunées de la population qui ne sont pas assujetties à cet impôt. De ce point de vue les mesures prises en décembre répondaient mieux aux aspirations des gilets jaunes.
- Du côté des entreprises : il s’agit ici non de cadeaux mais de prélèvements potentiels. On annonce la remise en cause des « niches fiscales » consenties aux entreprises à divers titre. La mesure est bonne dans son principe et je me permets de renvoyer sur ce point à la tribune qu’avec Louis Gallois et Louis Schweitzer, nous avons publiée dans Le Monde daté du 13 avril. Mais aucune précision n’est donnée sur la liste des aides qui pourraient être remises en cause et on peut faire confiance au MEDEF pour se mettre en travers de cette opération salutaire.
Au total, donc, l’orientation reste la même, mais elle est plus balancée et l’on peut enregistrer quelques inflexions positives. C’est un discours de circonstance qui, au sortir d’un épisode difficile et à la veille d’une consultation délicate, laisse subsister beaucoup d’interrogations.